Comment Israël est enfin devenu autonome en eau potable

En 2004, les usines israéliennes de désalinisation fournissaient 4 % de l’eau potable des ménages. 13 ans après, ce taux atteint 75 %.

« Pour la première fois de son histoire, Israël a réglé son problème d’eau», explique Abraham Tenne, qui a dirigé la Commission de la désalinisation de l’eau et de l’assainissement d’Israël, aux Echos. Plusieurs mesures drastiques ont été imposées par l’État juif, dont « une vaste campagne nationale pour économiser l’eau, le recours massif à la micro-irrigation, et le recyclage des produits d’égouts, qui place Israël au rang de leader mondial pour la réutilisation des eaux usées avec un taux de 85 % ».

Mais sans la désalinisation massive de l’eau de mer, jamais Israël n’aurait pu devenir autonome. Si en 2004, les usines de désalinisation fournissaient 4 % de l’eau potable des ménages, aujourd’hui 13 ans plus tard, 75 % de l’eau consommée provient de la méditerranée, le reste étant majoritairement pompé du lac de Tibériade.

Chaque année, 600 millions de mètres cubes d’eau potable sont ainsi produits par « osmose inverse » via Israel Desalination Engineering Technologies (IDE), une entreprise en vue, dont Les Échos dressent un long portrait.Le journal explique ainsi comment en 40 minutes l’eau pompée à 1 km au large de la côté est acheminée jusqu’à l’usine située sur le site de Sorek dans le sud de Tel-Aviv, devient potable grâce à « 50 000 membranes poreuses, enfermées dans des cylindres verticaux blancs, [qui] filtrent l’eau sous haute pression et rejettent les cristaux de sel dans la mer ».L’entreprise reçoit désormais des délégations étrangères très régulièrement, et s’est illustrée en inaugurant fin 2015 « la plus grande usine de désalinisation de l’hémisphère nord » en Californie, un état qui souffre de sécheresse aggravée.

Source : Times of Israel

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C’est une question problématique pour tous les pays confrontés à des sécheresses régulières. Et avec le changement climatique, elle pourrait bien se poser dans de plus en plus de régions du monde. Comment maintenir son agriculture avec des ressources en eau douce limitées ? Israël, pour sa part, a fait le choix de réutiliser l’eau usagée et de dessaler l’eau de mer. Des choix globalement payants.

En matière de traitement des eaux usées, Israël est un leader mondial incontesté. Selon un récent rapport gouvernemental israélien, le pays traite 87% de ses eaux rejetées par les foyers et les réutilise dans l’agriculture, contre 20% seulement pour le numéro deux mondial : l’Espagne.

Et Israël a aussi misé sur la désalinisation d’eau de mer pour satisfaire ses besoins. Ces dix dernières années, cinq centrales ont été mises en service dans le pays. Aujourd’hui, plus de la moitié de l’eau consommée en Israël est produite artificiellement. Et le pays entend encore renforcer ses capacités. L’objectif affiché est une augmentation de la production des usines de désalinisation de plus de 50% entre 2015 et 2020.

Sécheresse

Ces résultats sont le fruit d’une politique de longue date et qui s’est intensifiée ces dix dernières années. De 2005 à 2012, Israël a fait face à une sécheresse. Et le lac de Tibériade est passé l’hiver dernier sous « la ligne rouge », le niveau à partir duquel il devient dangereux de continuer à y prélever de l’eau.

Mais si cette production artificielle est une réponse à des ressources aquatiques limitées, elle pose également des questions sur l’impact environnemental. Les techniques de désalinisation sont certes aujourd’hui moins consommatrices d’énergie, mais certains scientifiques s’inquiètent de l’impact de ces prélèvements marins sur l’écosystème. Des milliards d’œufs de poissons et de larves sont aspirés et détruits. Quant aux eaux traitées, certaines régions du pays ne disposent pas de moyen de les stocker. Et si elles ne sont pas immédiatement utilisées pour irriguer les champs, elles sont rejetées dans les cours d’eau à proximité.

Mais ce mode de gestion des ressources en eau séduit de plus en plus de pays. Et Israël se place en interlocuteur incontournable. L’an dernier, il a exporté des technologies et savoir-faire relatifs à l’eau pour un montant de 2 milliards 100 millions d’euros. Et ce chiffre devrait augmenter au cours des prochaines années. Des contrats sont notamment en cours de négociation avec l’Égypte et l’Inde.

Source : RFI

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Comment Israël a-t-il fait ça ?

Ce qu’ils veulent apprendre, explique M. Siegel, c’est comment un pays qui est à 60 % désertique et dont la population a décuplé depuis 1948 a non seulement assez d’eau pour lui-même, mais a en fait un surplus, et exporte même de l’eau chez ces voisins.

Même avant l’établissement de l’État, les leaders comme David Ben-Gurion et Levi Eshkol ont réalisé que le sionisme ne réussirait que s’il y avait assez d’eau pour pourvoir aux besoins de la masse d’immigrants et pour pouvoir étendre l’économie.Seth M. Siegel, auteur de « Qu’il y ait de l’eau : solution israélienne pour un monde en pénurie d’eau »

Même avant l’établissement de l’état, les leaders comme David Ben-Gurion et Levi Eshkol ont réalisé que le sionisme ne réussirait que s’il y avait assez d’eau pour pourvoir aux besoins de la masse d’immigrants et pour pouvoir étendre l’économie.

Avec les années, Israël a mis en place une planification centralisée de l’eau, ajusté les prix, nommé des régulateurs, éduqué les citoyens à conserver l’eau, désalinisé l’eau de mer, utilisé un système d’irrigation en goutte-à-goutte, et traité quasiment toutes ses eaux usées, les recyclant pour les cultures.

La diplomatie de l’eau

Israël exporte chaque année 2,2 milliards de dollars de technologies et savoir-faire liés à l’eau. M. Siegel cite une source industrielle qui prédit que ce montant atteindra dix milliards de dollars dans quelques années.

Non seulement c’est une bonne affaire, mais cela a permis à Israël de surmonter en partie son isolement diplomatique. Pendant des années, le régime communiste chinois a refusé d’avoir des contacts avec Israël. Mais durant les années 80, le pays a réalisé qu’il avait besoin d’aide pour combattre des fuites d’eau massives et la pollution.

Au début, les ingénieurs hydrauliques israéliens n’étaient autorisés à entrer dans le pays qu’en secret. Ensuite, la Chine a accepté d’acheter des systèmes d’irrigation en goutte-à-goutte et des graines à Israël, mais a insisté pour que toutes les étiquettes « Made in Israël » soient enlevées. En 1991, la Chine a invité Israël à envoyer un expert sur l’eau de renom résider en Chine et à entraîner le personnel chinois à de meilleures pratiques. Un an plus tard, les deux pays établissaient des relations diplomatiques.

Quelque chose de similaire est arrivé en Inde, déclare M. Siegel, et l’assistance pour l’eau a aussi aidé à cimenter les relations entre Israël et l’Iran avant la révolution islamique.

En fait, selon M. Siegel, la technologie de l’eau israélienne est utilisée par plus de 150 pays, y compris certains qui n’ont pas de liens officiels avec Israël.

Source : Times of Israël